Mutation des catégories d’espace et de temps et enjeux démocratiques. Vers un nouvel imaginaire social ?
(Commentaires suite à la lecture des textes de Jean-Pierre Boyer.)
(Ouf ! J'aurai pas fort sur celui-là !... C'est la vie. Il n'y a que 24 hres par jour.)
D’emblée, l’auteur se positionne comme un utopiste en quête d’une solution, d’un possible pour la suite du monde et un épanouissement humain par-delà la mutation chaotique que nous traversons à notre époque, dans la sphère communicationnelle d’abord, et par la suite dans l’ensemble de la société. Plus spécifiquement il se propose d’établir une typologie des productions en médias interactifs non pas fondée sur la forme, mais sur le sens, sur les modes d’interpellation de l’interacteur auquel elle se destine, et de la situer dans le contexte mentionné. Nommant tout d’abord la révolution qui a cours actuellement et la positionnant sur les axes de téléologie et d’espace qui régissent ou paramètrent les sociétés, nous constatons, en nous référant entre autres à Innis, que le mode spatial, d’abscisse de territorialité, qui a accompagné la naissance et croissance de nos sociétés occidentales et en a défini les axes de pouvoir, bascule peut-être vers une nouvelle configuration où le temps devient un élément fondemmental, ou du moins où la modification du rapport au temps est un des éléments majeurs accompagnant la mutation à laquelle nous assistons. En effet, même si une reformulation de l’espace a aussi cours, c’est dans la dimension temporelle que se manifesterait le bouleversement de plus grande amplitude. Laîdi, Virilio, Jouary concluent tous trois à une surenchère, une hypertrophie du présent, de l’instantanéité dans l’axe de téléologie, induisant un état d’urgence continuelle, d’affolement auquel l’auteur, à l’instar de Jouary, affirme qu’il est urgent de remédier. N’infirmant aucunement les constats des auteurs qu’il cite, Boyer objecte néanmoins un manque de dialectique dans leurs conclusions (Laidi) et surtout un refus d’adhésion à un défaitisme passif. Ainsi, l’art de perdre son temps devient en lui-même un acte révolutionnaire qui désacralise l’urgent présent et un acte de désobéissance qui contrevient au déterminisme technologique de l’accélération. Un nouvel imaginaire social serait peut-être en gestation auquel participerait idéalement les artistes multimedia à des degrés variables.
Par ses préoccupations éthiques, l’auteur rejoint l’essayiste Hans Jonas qui lui aussi croit à l’action présente qui se projette directement en conséquence du futur et qui, si elle est réfléchie et responsable, peut nous éviter le sort de l’apprenti sorcier. Cette responsabilité est d’autant plus urgente et nécessaire que la puissance de nos moyens ouvre la porte aux risques les plus grands, soit ceux de la destruction de notre environnement, le support même de notre survie en tant qu’espèce…
Manzini suggère une écologie artificielle, soit une vision de projet pour le produit, un épaississement de sa signification et un amarrage dans l’écologie réelle, la sphère du sens, la continuité humaine et une intégration dans le projet supérieur de la société auquel il contribue. L’écho technologie diffère donc radicalement de la production/consommation actuelle et s’inscrit elle aussi dans la démarche réflexive de l’auteur vers une utopie réalisable, capable de s’inscrire comme une alternative viable à l’état actuel du monde tel que constaté par les auteurs précités et énoncés dans les angles d’observations (temporel Laïdi, …) qui leurs sont propres.
L’artiste étant l’opérateur de sens par excellence, qui plus est lorsqu’il est question de l’artiste en communication, tel que le conçoit Fred Forest, il devient naturel d’interroger la place que celui-ci pourrait prendre dans les processus de transformation auxquels nous assistons et dans la redéfinition des espaces ludiques, de transmission sémantique ou d’élaboration de topologies cognitives ou affectives entre les individus fréquentant le nouvel espace ouvert par les technologie de l’information, numériques surtout.
En plus d’interroger la finalité de l’œuvre en multimedia interactif, qui en fait dépend de l’intentionnalité que le créateur insuffle en elle, il convient aussi de questionner la particularité formelle de l’art numérique interactive, puisque s’articulant de façon différente des œuvres d’arts traditionnels en cela qu’elle fait participer un interacteur et qu’elle atteint donc dans sa nature même une fonction de communication. Enfin, avec certaines nuances, comme l’auteur le démontre.
C’est peut-être la seule critique que je puisse me permettre sur ce texte, je trouve le passage du fond à la forme un peu rapide et sec, presque artificiel. Nous passons d’une mutation fondamentale de la société, amplement appuyée, une recherche de sens profond ou de redéfinition de valeurs et attitudes sur lesquelles articuler une société améliorée, aux modalités d’interaction ou degrés d’interactivité par ou avec lesquels l’artiste multimedia parvient ou espère atteindre le spectateur, qui devient souvent coauteur en raison de la formule dialogique de ce type d’œuvre. Ceci dit je n’ai aucune espèce d’idée du comment on peut passer d’un phénomène profond social au signifiant d’œuvres d’art, bien qu’il existe pourtant une corrélation directe évidente, puisque les deuxièmes participent au premier phénomène, ne serait-ce que dû à l’intentionnalité que l’artiste induit dans l’œuvre, voire dans sa forme même. L’auteur resitue en conclusion, cependant, les types d’œuvres dans la perspective globale de la mutation décrite, mais le lecteur est alors rendu dans un autre espace de réflexion. Enfin, ce n’est qu’un point de vue !…
L’auteur propose donc une nomenclature des œuvres multimédia qui ne soit pas basée sur les particularités de la forme, mais plutôt sur les degrés ou propriétés de l’interactivité dont se vêtira l’œuvre. Ainsi on convient de regrouper les œuvres en trois catégories naturelles d’œuvres interactives.
La première, l’exploration, se particularise surtout par le niveau assez grand de solitude du « spectateur » de l’œuvre, du faible degré d’interactivité. On pense alors à la navigation Web, ou les apartés dialogiques entre le concepteurs et l’utilisateurs sont relativement faibles… Dans sa deuxième forme, l’alteractive, l’environnement immersif ou augmenté offre la rencontre à l’interacteur avec d’autres protagonistes. Récits ramifiés et interactifs, ou le participant devient un élément, un agent effectif de la poursuite de l’œuvre, entrent dans cette catégorie. Pour finir, la troisième catégorie offrant la plus grande des interactivités, donc, interaction, est intitulée : intervention. C’est celle qui à mon avis se moule le plus près de préoccupations énoncées par l’auteur dans la première partie de son texte, car elle permet le déploiement ou la cristallisation de valeurs chères à l’auteur et interpellées dans le processus de redéfinition sociale avec une visée « utopiste ». Par le jeu et l’interaction, on peut par exemple inculquer la responsabilité, la notion de conséquence dans une œuvre comme Aquazone, ce via une interactivité exploitée à son maximum; mais on peut aussi considérer l’intelligence collective comme faisant partie de cette catégorie, puisqu’elle fait aussi intervenir la participation des interacteurs à un haut degré.
Pour conclure, je crois aussi, à l’instar de l’auteur, que la production en multimedia, comme toute autre forme d’art en fait, puisse participer à la redéfinition de valeurs, à l’exploration de formes, contenus et sens, et ainsi participer à la métamorphose sociale dans laquelle nous sommes plongés, et ce, pour le mieux, ne serait-ce qu’en offrant l’alternative souvent absente, et nécessaire pourtant à la dialectique.
1 commentaire:
Le temps devient un élément fondamental (t'as une faute là) ;-)
Sur l'art de perdre son temps:
Un acte révolutionnaire
Un acte de désobéissance....
L'action présente qui se projette directement en conséquence du futur.
Une vision de projet pour le produit.
Une utopie réalisable, alternative viable.
L'artiste, opérateur de sens.
Espaces ludiques, (blog ?)Interacteur.
Recherche de sens profond.
Coauteur.
Espace de réflexion.
Solitude du spectateur.
La rencontre/L'Intervention...
La cristallisation de valeurs chères...
L'intelligence collective...
La redéfinition de valeurs...
L'exploration de formes... Métamorphose sociale.
Le blogue du Coyote: un espace pour la réflexion. De temps en temps, quand on en a ;-) eh non ça fait pas mal de réfléchir. merci..tu me donnes de la matière pour écrire.
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