Je vous avertis, je vais parler de moi... Donc vous pouvez passer tout de suite aux liens ici à gauche , ceux que ça agace. Pourquoi de moi ? Je sais pas. Ces temps-ci, y'a que ça, dans ma vie. Moi. Et mon ombre sur la neige. Plate, hein ? Le reste est vide comme une attente hivernale. La politique ne m'intéresse pas tellement cette année, j'avoue. Quoiqu'en mentionnant le mot politique, je pense immédiatement aux affiches, à ces sourires intéressés qui placardent soudain notre quotidien. Et en pensant aux affiches, ben je repense à elle.
Donc je vais vous parler d'elle. Entre parenthèses. Parce que je l'ai vue l'autre soir, ici même dans la Capitale, étalée un peu partout sur les murs ou à l'embouchure des propriétés.
C***. Belle comme la nuit. Cheveux d'ébène, billes noires, étincellantes. Des bijoux en forme d'amandes. Fougueuse, passionnée. Superbe comme pas permis. Je me suis d'ailleurs toujours demandé comment une fille comme elle avait atterri dans les bras d'un gars comme moi. Tous les regards se détournaient à notre passage; à SON passage... Des gars me dévisageaient parfois, incrédules, jaloux. Y'a de quoi ! Je fais pareil quand je vois une déesse aux bras d'un autre. Surtout si cet autre a l'air aussi twit que moi, voire davantage. C'est encore pire dans les périodes où la sécheresse règne sur tous les continents du coeur - ciels assombris de grillons.
Quand on partait toute la gang au chalet de Roberto, c'en était gênant. En costume de bain ! Les filles la haïssaient. Les gars ne pouvaient détourner leur regard de son maillot jaune flamboyant... Les filles la haïssaient encore plus. Et quand on revenait de baignade, qu'on avait été pouchasser les achigans et les crapets en palmes, masque et tuba elle et moi dans les falaises de roches, main dans la main, son costume devenait transparent et un lourd silence s'installait sur le quai pendant qu'elle tressait inocemment au soleil ses cheveux mouillés.
Les gars, une fois rendus assez loin des berges, essoufflés, exclamaient leur scepticisme et leur admiration :
- Coyote ! Mais comment t'as fait, mon ostie ?!... Où t'as trouvé cette fille-là ?!... C'est une vraie déesse !
- ... Hé !..., répondais-je, discrète fanfaronnade par laquelle je tentais de camoufler mon incertitude.
Les copines, elles, quand nous étions seuls :
- Voyons, Coyote, qu'est-ce que tu fais avec cette fille-là ? C'est la pire conne qu'on n'ait jamais vue ! Ça aucune allure les conneries qu'elle débite - tu mérites mieux que ça.
- C'est pas parce qu'une fille est belle qu'elle est nécessairement conne, voyons ! Vous seriez pas un peu jalouses, par hasard, les filles ?...
Le seul hic : elles étaient dans le vrai, et pas qu'à peu près. Disons pour le moins que leur constat était tout aussi exact et pertinent, sinon davantage, que celui des gars... Ouf ! Un vrai manche à balai. Bon, je veux pas être méchant : évitons les jugements à l'emporte-pièce. Euphémisons : elle et moi vivions dans des réalités très... "différentes". Et qui de surcroît prenaient des directions tout aussi... "différentes". Tout compte fait, nos vies ne se sont que brièvement croisées; et c'est très bien ainsi. Elle a tôt fait de me larguer pour un gars plus grand, plus beau, plus riche, avec plus d'avenir et qui roulait dans une plus belle auto. Un gars qui était surtout plus épais (dans son cas c'est plus facile à résumer).
Je suis tout de même parvenu à la reconnaître, sur ses affiches Remax. Plus rien ne subsiste de sa splendeur d'autrefois. J'avais peine à retrouver dans cette grosse madame de banlieue quelque écho de l'indicible joie que son apparition promettait à la rétine de tous comme un gros titre de ciné-parc. Même son goût pour les beaux vêtements et les parures, avec le temps et l'argent, est devenu caricatural, flirte avec le vulgaire; comme si elle tentait de palier la perte de sa beauté naturelle par l'ajout de textile, de minéral ou d'un autre onéreux artifice. De détourner l'attention du phénomène, sans doute plus évident encore à ses propres yeux qu'aux miens, mais ne faisait que le souligner davantage. Je ne sais rien d'autre sur sa vie (peut-être tout le reste est-il une réussite magistrale ?). Je ne vois, ne sais qu'une chose : C*** est devenue laide.
Faut pas se leurrer : Saturne est un beau salaud pour tout le monde; le chirurgien inesthétique nous attend derrrière chaque porte du couloir avec son scalpel rongé. On dépérit. Tous. Inexorablement. Nos visages accusent tous le poids des ans et chaque heure burine sa griffe comme une graphiste méthodique, aussi patiente qu'appliquée. C'est valide pour moi comme pour vous; comme pour elle. C'est juste que dans son cas, la perte m'apparaît disproportionnée, d'une ampleur inégalée. Perdre un pareil trésor relève du tragique, de l'injustice. De la haute trahison. Gagner à la loto mais perdre le billet... C'est d'autant plus cruel si on considère que ce fût peut-être le seul trésor dont la nature l'eut pouvue, j'en ai peur... Anyway.
Quand j'ai reconnue C***, après que la surprise m'eut éclairé pendant une ou deux secondes, j'ai rapidement perçu dans l'air froid un souffle de tristesse, et j'ai refroncé les sourcils... Elle ne méritait quand même pas ça.
Finalement, je ne vous aurai pas trop parlé de moi. Déjà ça de gagné mes p'tits drouggies !
mercredi, janvier 11, 2006
Histoire triste
Publié par
Coyote inquiet
à
12:01 p.m.
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1 commentaire:
Ouais, triste, hein ? Quoique parfois il me soit arrivé de le souhaiter à quelques fendants(es) !
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