jeudi, janvier 26, 2006

Ce soir Annie

On s'est vu ce soir, Annie. Annie, amie d'enfance, du creux du fond du bas de la même rue de la même ville de la même Beauce. Tu restais à quelques maisons de chez nous et jamais jusqu'à aujourd'hui je n'ai eu conscience des drames qui pouvaient se jouer à la fois si prêt et si loin de mon confort petit bourgeois. Et tu étais là, ce soir, avec ton galopin renouvellé, à te raconter, à nous raconter. Notre enfance, notre pays, nos vies, nos âmes... J'ai été le premier gars à t'embrasser, sur le réservoir d'eau, la ville à nos pieds, poussé d'audace par mes quatorze ans alors que tu n'en avais que douze, onze ? Petite sang-mêlé, plus femme sûrement que je n'étais homme dans mon corps malgré mon avance en âge. Tu n'as pas changé. Toujours aussi fière, digne, orgueilleuse. Beauceronne. Belle surtout. Profondément. Je t,écoutais parler, secrètement ému de toutes ces affres que la vie a piquées dans le printemps de tes jours. Comment aurais-je pu deviner ? Je n'aurais même pas été capable de le concevoir; de réaliser pareilles choses. Et tu me dis que tu n'es aujourd'hui qu'une serveuse ?!... T'es aveugle ou quoi ? Serveuse, ce n'est qu'un maigre résumé de gestes de ta sruvivance; mais tu es tellement plus que cela. On ne voit pas souvent pareille dignité, crois-moi !

Ce soir j'ai pris une bière avec un être d'honneur; et c'était une femme.

On s'est fait l'accolade, les yeux quelque part entre la complicité et la connivence. Je me disais que d'une certaine façon, je t'aimais, avant de te resserrer dans mes bras. Puis je t'ai regardé t'en aller, disparaître jusqu'à notre prochaine revoyure. Avant que tu ne franchisses la porte, j'ai tout juste eu le temps de corriger ma pensée : je me suis dit qu'en fait, je t'aimais plutôt d'une façon certaine...

Voilà. En retraversant le pont, je me suis promis de t'écrire un poème à l'arrivée. C'est raté, manifestement. Je le ferai un jour... Sinon, j'espère que quelqu'un d'autre le fera - tu le mérites.

4 commentaires:

Mamathilde a dit...

Coyote ce texte c'est plus qu'on poème. C'est beau à en avoir le coeur écrapouti. Chaque mot, chaque temps est juste. C'est magnifique. J'aimerai bien en inspirer un comme cela un jour.

Daniel Rondeau a dit...

Beau.
Très.

Coyote inquiet a dit...

Hé ben... Je le trouve tout croche. Mais ce que je pense d'elle est vrai. Et les fins de veillée me rendent parfois un peu émotif.

Merci bien anyway. ;o)

Innée la poétesse du dimanche a dit...

C'est beau pis peaufiner comme cet instant de vie...