dimanche, avril 05, 2009

Grismanche, rien de spécial

Étrange de revoir cet écran, cette interface de rédaction, ce nec plus ultra du Web 2, de la transmission tous azimuts de la pensée... Long time ! Puisqu'il fait gris, puisque c'est dimanche, puisque je suis au travail depuis 5h00 AM, puisque ces grands enfants radio-canadiens d'usagers ne me réclament pas à grands pleurs d'urgence et de fin du monde si leur manchette ne passe pas au bulletin de nouvelles, je vais en profiter pour écrire quelques mots, histoire aussi de vérifier si la machine, quoique assurément rouillée, peut toujours produire quelques lignes, voire quelques mots dans un ordre qui évoque une certaine cohérence...

Parlant d'écriture et d'expression, parfois je me demande si notre ère technologique n'a pas que remplacé une forme de silence par une autre, une absence par un vide, un néant par un bruit de fond, grésillement tout aussi inaudible. Comme une saturation, une solution qui au-delà d'une certaine concentration, devient autre chose, cristallise un sel imprévu qui accorche dans l'engrenage, gruge plus qu'il ne lubrifie... Communication extrême. Tout, partout, tout le temps, peut être, doit être, EST dit. Sans limite. Dans l'instantanné. Dans l'irréfléchi souvent. Comme si l'information n'était plus une lumière qui nous permet de mieux voir, déceler le monde, la vie, mais un stroboscope halluciné qui finit par nous le rendre irréel. Autrefois noirceur désespérant de toute étincelle, germe de lumière, assoiffée de lueurs, un feu d'artifice mitraille aujourd'hui ses spectres chromatiques sur le spectacle protéïforme du réel, d'un monde de plus en plus insaisissable, multiple et fractionné... Bien évidemment, ce constat plaide avec véhémence pour un silencieux recul, un retrait qui permet de décanter un moment.

Comme un bulletin de nouvelles... vous savez ? quand chaque nouvelle vous terrasse presque, vous mystifie, vous indigne ou ulcère et que deux nouvelles plus loin, il vous est presque impossible de réempoigner correctement le souvenir du sujet... De quelle tuerie était-il donc cette fois question ?!... les traits se chevauchent, s'amalgament, la confusion s'installe... "Confusion will be my epitaph...", chantait Krimson. Et il semble que ce soit elle qui domine maintenant la partition ouverte de la communication, symphonie chaotique en confusion majeure, modulations imperceptibles mais omniprésentes...

Je repense souvent à Zaki Laïdi et à sa tyrannie de l'urgence. Je constate - et particulièrement dans le milieu de travail de l'information, qui est le mien - à quel point il a mis le doigt sur un phénomène majeur, il avait vu ou pressenti la vague de fond de notre époque affolée. De plus en plus bruyante. De plus en plus sourde.

De surcroît, l'urgence de dire, elle, à mon avis, rétrécit et se recroqueville en grimpant l'échelle du temps. On dirait que ce spasme qui nous traverse plus jeune, cette contraction que l'on oppose au placage du réel qui fond comme un demi-offensif sur nos rêves fait de plus en plus place à un relâchement, une souplesse de judoka, voire à un relâchement de yogi. Rien ne se passe comme prévu, donc tout est possible, surtout l'imprévisible. Plus de surprise, donc détente et habitude, relaxation. Relaxation, donc dissipation des tensions. Plus de tension ? Avez-vous déjà joué du violon sur une corde déserrée ? La plante ployée chante moins au vent que l'arbre rigide... C'est un deuxième facteur.

Un troisième point réside dans la machine chronométrée du quotidien, la tyrannie de l'urgence encore une fois. Penser, écrire prend du temps. Le temps, qui jadis abondait en quantités industrielles, se raréfie à mesure qu'on s'éloigne de la jeunesse, qu'on s'enlise dans la vie productive. C'est très bien conçu. Les rêves délicieux deviennent un luxe qu'une récession ne nous octroie plus souvent, inutiles nectars quand le pain se fait rare et réclame de plus en plus de sueur ! Donc dans un présent de plus en plus présent, l'intemporel dans lequel séjourne la pensée créatrice se pointe de moins en moins souvent, ne se produit plus qu'à l'occasion, les rares fois où le chronomètre s'enraye.

De plus, on s'aperçoit, (enfin, pour certains d'entre nous), que la vie est de lus en plus semblable à la nature et de moins en moins aux histoires qu'on a lues dans les livres ou vues dans les films. Magnifique, tout autant qu'un paysage qui vous coupe le souffle, parfois; implacable et sans pitié parfois, comme la vague qu'aucune de vos imprécations ne détournera du flanc du navire. Et c'est dans l'effort et la résilience que se traversent les tempêtes bien plus que dans les belles paroles et les rêves odorants. La vie sent la sueur. Mais comme pour tous les entraînements du monde, on apprivoise l'effort jusqu'à en jouir. Curieux, non ? Et comme si creuser de plus en plus profond dans sa volonté et sa persévérance faisait jaillir une eau de plus en plus limpide, source exsudée du roc au profondes fissures. Mais tout ça, ce n'est qu'aux bonnes journées !...

Puis il y ces choses que l'on sait et dont on ne veut plus, pour les avoir désespérément souhaitées Et saisir après coup à quel point elles ne nous convenaient pas, ne nous ressemblaient pas, finalement. Est-ce dû aux métamorphoses imposées par le temps ou le temps n'a-t-il que révélé une évidence que notre âme comprenait "d'instinct" ? C'est le même phénomène que précédemment, mais pris par l'autre bout de la lorgnette. Si l'effort et la persistance te révèlent, te forgent, il n'est pas insensé de conclure que le succès ou la parfaite réalisation de tes espérances pourrait s'avérer au final un bien mauvais professeur, risquant plus qu'autre chose de t'éloigner de ton essence que de la concrétiser...

Peut-être aussi que la vie se vit, tout simplement ? Ne se pérore pas ? Pas plus que l'amour ou les autres sentiments immémoriaux ne se couchent en formules. Même si les probabilités, elles, font partie du réel.

Enfin, toutes sortes de bidules comme ça. Je vous en reparlerai. Peut-être.

3 commentaires:

Tony Tremblay a dit...

tu vises juste, mon vieux Coyote...

t'as pas perdu la main, faut croire.

salutations.

Coyote inquiet a dit...

Ouss ! ;o)

Anonyme a dit...

Ce fût une lecture très agréable, merci.