Un soleil à faire cuire un oeuf. Un vent qui sèche la sueur. Des hordes dans les rues - une véritable tour de Babel. Un traffic figé comme une sauce au Fourme D'Ambert. Des sourires également partagés entre pauvres et riches, femmes et hommes, jeunes et vieux. Une montagne jaune comme un soleil de Van Gogh, des parcs verts comme le printemps. Les tam-tams qui battent la cadence et douchent les terrasses. Les femmes plus belles que la beauté. Des enfants qui s'écrasent d'extase dans les feuilles mortes. L'air tiède qui dépeigne nos coeurs adolescents. L'hiver vaincu; l'armistice des sens. Il n'y aura jamais plus de jours sombres...
J'aime bien, finalement, cet automne nouveau genre.
* * *
La clef de mon cadenas a pété dans la serrure avant-hier soir en sortant du Boud. Encore. Deuxième cadenas, deuxième clef en quelques semaines. Un vélo volé. Cette fois-ci, je n'avais pas lésiné : un cadenas garanti à vie - ils garantissent même le vélo, si on le pique ! Mais pas la clef. Les clefs, car ils en donnaient cinq à l'achat. J'ai tout essayé, des pince long-nose, un aimant, un canif... Rien à faire. Mon bicycle collé à une rampe de terrasse bondée. Faut le couper. J'avais emmené une scie à fer... Hèye ! Pas pour rien qu'ils le garantissent à vie. Ça m'aurait trois semaines à 40 hres /semaine. parti chez le Rona louer un buffer et une extension. Entre dans le Café...
- Bonjour M. le gérant, je suis un espèce de clown à qui ce genre de choses arrive constamment, pourrais-je vous piquer un peu d'électricité, déranger tous vos clients de la terrasse en passant le fil entre leurs jambes, en débranchant les gens qui ont leur laptop de connecté ici, juste là, à l'intérieur et aller faire un vacarme d'enfer qui va accabler toute votre clientèle par ce beau dimanche après-midi à 25 degrés et couper ce foutu cadenas qui m'empêche de pédaler vers les coulisses de ma vie ?
Heureusement, avec un soleil comme ça, les gens sont de bonne humeur; même les gérants. Surtout les gérants ! Contemplant la file de porte-feuilles que je venais de couper...
- Pas de problème.
Non, sérieux. Et je m'en suis aperçu hier encore. Les gens sont d'une bonne nature. Accomodants et généreux, une fois percé la façade d'Indifférence qui sied aux villes. Faut dire que lorsqu'on rencontre plus clown ou ridicule que soi, ç'a un côté rassurant, attendrissant. Anyway.
Évidemment, la rallonge ne se rendait pas, et j'ai dû m'y reprendre par quatre fois en essayant plusieurs angles sur la terrasse, histoire de déranger vraiment tout le monde de la face Ouest...
- Bon, c'é-tu correct, là ? Tout le monde m'a bien vu ? Vous m'avez bien remarqué ?...
Il y a même un groupe qui m'a lancé :
- Il y a-tu une caméra cachée quelque part ?...
- Non non. Ces choses-là m'arrivent pour vrai. C'est mon karma pour de vrai.
Et je devais me grouiller en plus, noir d'eau, car le Rona où j'avais loué l'outil fermait à 16h00, et les minutes passaient comme un soleil d'automne qui descend toujours trop vite.
Je n'y arrivais pas. Me manquait toujours quelques pieds pour me rendre au cadenas...
puis une belle fille m'a sauvé la vie. Elle venait juste de s'acheter une petite rallonge de maison et m'a permis de l'étrenner... Ah qu'elle était belle, en plasique brun drab, avec aucun trou pour le ground, mais quand même, avec ces 5 pieds de long... Une merveille.
Les gerbes d'étincelles se sont mises à fuser et l'outil est passé au travers l'acier trempé comme un couteau dans du beurre. Enfin, du beurre congelé, disons.
Puis, pendant que je me débattais avec un vélo qui, fatigué sans doute, désirait ardemment se coucher sur le trottoir et un artéfact et un fil et un havre-sac et des restants de cadenas qui voulaient l'immiter, un gentil Iranien m'a offert de tenir le vélo.
- Tu vas pas partir avec, là hein ? Parce que là, les vélos, ces temps-ci !...
- Non non, t'en fais pas, moi, c'est les voitures que j'aime, c'est ma Porche, là...
- Ah. T'as raison. C'est plus de notre âge. Je sais pas pourquoi. Je suis resté un peu accroché à l'adolescence... Et à son budget. On peut pas tout avoir. J'ai pas l'air conditionné, mais j'ai l'air libre.
Anyway, j'ai enfin récupéré mon poney de métal. J'ai remis la très belle extension brune de Dollorama à la belle blonde anglophone qui me l'avait prêté et ai pu retourner l'outil au Rona, après avoir remercié tout le monde et m'être excusé du dérangement. Ben quoi, c'est vrai. Ils en ont pas des dizaines, des heures libres prélassées au soleil; et se les faire gâcher par une floraison d'étincelles silantes n'a rien de bien agréable. Ils ont été cool tout le monde. Montréal, c'est pas encore Paris !...
Le reste du jour, je l'ai passé sur mon canasson à déambuler dans la fourmillière, sur le Plateau, le Mont-Royal, le Plateau encore, Laurier, à m'échouer dans un parc et savourer une frite belge à la sauce indonésienne. Et à méditer un peu sur le cercle de la vie. Ces heures si semblables à celles de mon arrivée à Montréal, et si différentes. Comme un repassage d'examen, une prise deux, un second épisode... Un ami en moins, le foie un peu plus comme un gruyère qu'avant (j'imagine...), le même karma, mais moi plus solide pour encaisser les coups, passé poids lourd (bon, mi-lourd !), capable de sourire et de me nourrir des petits riens, toujours épris de beauté, mais moins triste qu'elle ne fût toujours que passante sur le trottoir de mes jours. Sachant aussi que bof, oui, si on a raté nos vies, c'est pas juste de notre faute... Personne ne sait faire que des mauvais pas ! et que oui, t'as raison, Aigle perdu, on est un peu comme des arbres au-milieu d'un champs, esseulés de forêt et de son couvert de certitude, les feuilles qui gémissent parfois à la brise, mais que bof ! on est encore là, et que le vent, bon ou mauvais, a modelé la silhouette de nos branches de la beauté torturée du bonsai et que bof ! tu sais vieux, le vent est capricieux et tourne autant que nos jours et que là encore, cercle cercle cercle ! on n'y échappe pas et que la seule droite qu'on puisse emprunter semble être celle vers le noyau... Enfin, des bidules comme ça.
Il faisait vraiment beau hier. Je me demande ce que me réserve le soleil d'aujourd'hui...
Mon vélo m'attend.
lundi, octobre 22, 2007
Automne nouveau genre
Publié par Coyote inquiet à 11:57 a.m.
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