jeudi, janvier 25, 2007

... suite, compte-rendu

(... Suite)

Le labyrinthe et la mosaïque

En étroite relation avec le point précédent, soit la post-modernité narrative, un sous-thème abordé par l'auteur m'est apparu particulièrement lié à mon projet de plateforme. Il s'agit du fragile équilibre entre le labyrinte et la mosaïque (the maze and the mosaic).

Traditionnellement, le récit est linéaire et, comme Thésée, nous suivons le fil d'Arianne pour cheminer dans le labyrinthe du Minotaure, affronter la problématique et aboutir à la lumière du dénouement. C'est le récit de structure classique découlant peut-être en partie du rationnalisme grec, justement. Il s'est vu remis en question par les premiers explorateurs de la post-modernité. (On n'a qu'à penser à MarshalMcLuhan (p. 156 Murry: as Marshall McLuhan pointed out, the communication of the twentieth century are mosaic rather than linear in structure, as compared to the printed book, ou Gilles Deleuze, aux saillances et territoirialités internes dont la juxtaposition compose une identité en vitrail...). De cette influence, est apparue une pensée, une littérature post-structurelle dont la forme éclatée accroît l'importance interprétative du lecteur, une forme littéraire qui diminue le pouvoir d'affirmation et de décision de l'auteur. Signe des temps, de notre confusion face aux diverses perspectives d'observation et d'analyse que nous ouvre la communication instantannée ?... Parallèlement, le "héros" devient souvent, en adéquation, un anti-héros, balloté par les événements et la complexité de la situation insoluble qui souvent est la sienne.

J'allais donner quelques exemples : John Fante - Demande à la poussière, Sur la route de Los Angeles, Mon chien stupide...; Bukowski; Miller... Mais ce n'en serait pas de pertients. Puisque dans le cas de chacun, même si le héros est plutôt un anti-héros impuissant devant sa situation et plus ou moins en état d'errance, le récit, lui, est linéaire et continu, (décidé par un seul auteur et doté d'une perspective unique). Dans un style tissé très serré dans le cas des deux premiers, même. Miller, comme vous le savez sans doute, se permet de généreuses, voire verbeuses digressions. Donc il s'agit d'exemples à demie valables et qui, justement, nous font prendre conscience de l'importance, ou du moins, de l'habitude, de la linéarité dans la forme du récit dans nos traditions littéraires.

L'auteur en est aussi conscient, car selon elle, (traduction libre), le potentiel du labyrinte comme narration participative (ou interactive) se situerait entre le labyrinte classique, le fil d'Arianne, et le rhizome indéterminé, soit la forme de mosaïque. Et il faudrait un équilibre entre l'attraction gravitationnelle d'un récit conventionnel vers sa finalité, et l'exploration ludique, l'errance, que permet une forme plus ouverte de récit post-moderne. L'auteur admet donc implicitement l'inefficacité d'un récit de forme strictement ouverte. C'est un des éléments de réflexion, une des conclusions plutôt, de Janet H. Murray, à laquelle j'adhère aussi. Écrire, c'est choisir, et l'efficacité d'un récit est souvent proportionnelle à sa densité et à l'importance des éléments qui le composent. Un récit ne peut donc à mon avis résulter de la participation libre et multidirectionnelle de tous; une cohésion doit être exercée. Si ce n'est une linéarité pure, on ne peut par contre se passer d'une certaine convergence ou délimitation sémantique et/ou thématique. Demeurer en équilibre sur cette corde raide ne sera pas aisé dans le cadre de mon projet de plateforme et vous connaissez déjà l'importance que j'accorde à ce point.

Murray, dans cette double perspective de la linéarité efficiente de l'auteur versus la ludicité, ou spontanéité de l'intervention du participant (ou créativité de l'interacteur), cite l'exemple du jeu vidéo. À l'instar du plan d'Ulysse pour libérer ses compagnons de la caverne du cyclope, des algorythmes sont établis par l'architecte du jeu et l'interacteur choisit aux intersections du récit les destinations qu'il préfère; ce faisant, il crée son propre récit, le singularise du moins. La relation auteur-interacteur est alors illustrée par le monde de la danse : l'auteur équivaut au chorégraphe, alors que l'interacteur danse le jeu. Mais tous deux sont créateurs... L'auteur met toutefois en garde contre une certaine confusion qui pourrait poindre entre l'auteur et l'interacteur aux yeux des observateurs néophytes :
(p. 153) ... Critics at that time resisted the thought that the great artist Homer was not original in the same way that modern print-based authorship, we are experiencing the opposite confusion. Contemporary critics are attributing authorship to interactors because they do not understand the procedural basis of electronic composition. The interactor is not the author of the digital narrative, altough the interactor can experience one of the most exciting aspects of artistic creation - the thrill of exerting power over enticing and plastic materials. This is not authorship but agency.

Cette proposition d'interaction est une option. Mais cette forme de complémentarité ou de relation entre l'auteur et l'interacteur est difficilement praticable dans le cadre de ma recherche-production. Et c'est donc sous une autre forme que le récit en arborescence prédéterminée que s'exercera l'interaction dans l'écriture des textes collaboratifs sur ma plateforme, quoiqu'ils devront tout autant répondre aux conditions garantes d'efficacité de récit auxquelles ont répondu avec brio les concepteurs de jeux vidéos.

Bon ben, c'est pas mal ça que j'ai pu glaner dans le livre de Janet H. Murray. Pour en glaner davantage, il aurait fallu que j'aborde aussi le dernier chapitre et que je lise toutes les innombrables pages qu'il contenait...

2 commentaires:

Anonyme a dit...

Je viens de me perdre dans un labyrinthe...mdr

Innée

Anonyme a dit...

Ce livre de Janet H. Murray semble très intéressant. Je vais le lire. Ton résumé m'a donné la piqure. :) Bravo!