vendredi, juin 09, 2006

Bon, vu que j'ai rien à dire et beaucoup à faire

Camp de base

Non, ce n’est pas à mon hôtel qu’elle campait. J’ai eu la paix pour un temps. Heureusement, car j’avais amplement à faire et à découvrir, en plus de me remettre des six heures de décalage. Six heures d’avance sur son karma, c’est pas gratis ! Ça fuzze et ça buzze légèrement au début. On dort bizarrement les premières nuits. Faut que l’âme s’ajuste, j’imagine. On a tendance à se réveiller tard et à rater l’heure du déjeuner; pardon, du petit dèj...

Heureusement, j’avais à peine somnolé pendant la traversée, donc je n’ai eu qu’à passer une pleine journée à marcher pour m’endormir comme un bébé très tôt le soir. Et quelle journée ! Vous imaginez le choc de découvrir d’un seul coup l’Europe, la France et Paris ? C’est comme une gifle, un bain de neige au jour de l’an, le choc d’une clôture électrique alors tu urinais distraitement dans la nuit. Électrisant, sursautant. Tu dessaoules d’un coup sec; l’effet des pilules disparaît en un claquement de doigts ! L’effervescence est omniprésente. Les décibels et la cacophonie se réverbèrent sur toutes les parois de cet inextricable labyrinthe beige aux murs de six étages. Les klaxons, les gens qui gueulent, les mobylettes sans résonateur, les émanations de diesel, les vespa ou scooters partout, les rues en dalles ou pierres glissantes, des embouteillages monstres, les cheminées comme des tuyaux d’orgues en argile orange sur les toits de taule, les boîtes (pots) de géraniums à chaque fenêtre, aucun chat mais mille chiens...

Après une longue promenade dans Paris en passant près de l’Arc de Triomphe, on arrive à l’hôtel. Je suis complètement perdu. Je paye, en Francs pour la première fois. Le taxi m’apprend qu’on est dans le dixième arrondissement et m’indique l’entrée de l’hôtel Louxor. Je ne sais même pas ce que ça signifie, un arrondissement. J’imagine que c’est rond. Paris doit ressembler plus ou moins à un paquet de boules de billards avant la casse, j’en conclus... La rue Taylor, pour sa part, m’apparaît plutôt être une ruelle qu’une rue…

Le type qui m’accueille est un algérien sympathique. Je lui demande la chambre qu’on m’a réservée. Il sursaute légèrement.

(Scène 5)

- Mais... vous êtes Canadien ?

On ne peut pas leur cacher. C’est gentil, plutôt amical lorsqu’ils disent ça me semble-t-il. Dans son cas du moins.

Il me remet la clef avec une déférence exagérée qui me fait sourire :


- Monsieur, votre chambre ! comme s’il s’agissait d’une suite VIP au Ritz-Carleton ou au Reine-Élizabeth alors que j’ai tout juste l’impression d’entrer dans un bed and breakfast, correct mais sans plus. Anyway.


Par politesse, je me retiens de pouffer et saisis la clef par son immense identificateur plastifié. Trois cent douze.


- Monsieur voyage sans bagages ?...

- Ouais, j’voyage léger. J’suis tueur à gage…


Il n’a aucune réaction. Je tente alors de lui expliquer ma situation réelle, mais c’est à croire qu’on ne parle pas la même langue puisqu’il ne comprend pas davantage :


- Pardon ? Vous dîtes ?... Pardon ?...


Je m’y prends à quelques reprises, parle plus lentement, articule comme si je croquais dans une pomme. Il finit par comprendre; je crois.

Je gravis les trois étages, au lieu des deux que je m’attendais seulement à escalader, dans un escalier étroit et tortueux puis m’achemine vers ce qui deviendra mon campement de base. Je déverrouille et m’apprête à pénétrer dans ma… « chambre ». Je stoppe net en la voyant. C’est presque aussi petit qu’un garde-robe ! La première idée qui me traverse l’esprit, c’est : où diable je vais déposer mes poches quand on me les livrera ?! Une par-dessus l’autre sur le Turquie – pas le choix ! Il y a un lit de cinq pieds et demie environ : les pieds me dépasseront, c’est tout. J’espère que les nuits ne sont pas trop froides. Une toilette et un lavabo, et un bec téléphone large comme un cœur de tournesol en argent au-dessus. On fait pipi, se brosse les dents et se shampouine simultanément. Étrange. Mais on ne va pas critiquer ! On s’adapte. On n’est pas venu ici pour faire la fine bouche ou l’Américain et exiger les mêmes choses qu’at home. Finalement, je m’accommoderai fort bien de cette demi chambre d’université ou de cette grosse penderie avec un filet d’eau courante.

Anyway, c’est plutôt dehors que ça va se passer, on dirait bien. C’est le solstice demain. Il fait chaud et une lumière profuse tombe à pic dans ma chambre. La fenêtre est ouverte. Il y a une école ou une garderie tout près : les cris des enfants, suraigus, percent l’air étale du zénith indolent. Ça me fait sourire. Ça sue de poésie je trouve. J’ai le sentiment de jouer dans un vieux film français - peuchère, Marius ! Par la fenêtre, c’est une ruelle agitée, vivante, exubérante qui se dévoile lorsque j’y passe la tête. Je m’assois quelques instants sur le rebord et contemple la scène, observant la fourmilière surexcitée. Beaucoup de Magrebins dans le coin. Une chance qu’Isabelle n’est pas ici, elle qui a tant le vertige : elle ne supporterait pas de me voir assis comme ça, une jambe dans le vide comme si j’allais sauter. Je fume enfin ma première cigarette dans l’Hexagone, une de mes dernières Du Maurier. La vie est merveilleuse des fois et il n’y a pas à dire : ça sent le karma tout neuf !


- Yves Vadeboncoeur, mon gars, t’as ben faite de signer !

Je pense qu’il fait juste un peu plus frais ce midi qu’à mon départ de Montréal hier; tantôt... Enfin ! Je vais d’abord me mettre en culottes courtes et attacher le velcro de mes sandales. En bas, dans le salon, j’ai remarqué qu’ils avaient Internet. J’enverrai un courriel à ma sœur pour la rassurer, puis avalerai mon premier repas en France avant d’aller dévaler quelques kilomètres dans la ville lumière. Comme le font les chats, on doit toujours explorer et apprivoiser au plus vite son nouveau territoire. On n’a pas le choix : c’est comme ça la vie.


cc: Carrousel Carnaval

C’est une ville magnifique que j’ai découverte les premiers temps et qui explique par son architecture seule le nombre incalculable de touristes que j’y croisais en arpentant ses rues comme un géomètre infatigable. Comment je pouvais deviner qu’ils étaient comme moi des touristes plutôt que des Parisiens ? Facile : nous étions en culottes courtes alors qu’ils parlaient tous au cellulaire. Une chaleur comparable à celle de Montréal sévissait ici aussi. Je ne m’en plaignais pas, sauf que par moments j’aurais volontiers plongé dans le canal St-Martin pour échapper au smog qui étuvait la ville comme un couvercle d’acier. Il n’y avait hélas que les fontaines où on pouvait se rafraîchir parfois en laissant détremper les ampoules de nos pieds. Rien d’autre. Mais des fontaines, il y en a ! Et des belles, comme la St-Michel ou la Médicis, Place de la Catalogne ou des bassins comme celui aux tuileries. Et ce n’est pas tout. Des sculptures ! Des églises ! Des cathédrales, clochers ou chapelles ! Des opéras ! Des Palais ! Des Musées ! Des ruines romaines et romanes ! Et des ponts – qui transforment la Seine en scène ! Et des monuments aux noms mythiques ou constructions diverses de différentes époques, tous d’une beauté ou chargés d’un poids d’histoire difficilement concevable pour un Nord Américain ! Je me gavais de tout ce que mon oeil parvenait à chaparder avec une gourmandise capable presque d’entraîner (induire) la honte et me couchais, le soir, avec mille images virevoltant dans mon crâne comme les carrousels colorés et tapageurs des places, amalgame tourbillonnant qui pouvait me laisser croire que j’avais rêvé tellement mes journées empruntait à la féerie du cirque. Anyway.

Là, vous voyez, les choses vont plutôt bien. Je suis dans le Jardin des Tuileries, première journée. Elle, elle m’est presque sortie de la tête. Pas surprenant : au nombre de belles femmes qu’on croise ici ! Époustouflant… Comme s’il n’y avait pas déjà suffisamment de beauté dans cette ville ! De toutes façons, je n’ai aucune idée de son nom et c’est très bien comme ça. Penché sur mon calepin comme un vautour sur une carcasse, je note et dissèque des pensées, identifie des échos d’âme et les étiquette pour classement ultérieur (à venir).

Premier jour. Je viens de me dénicher un petit coin d’ombre sous un cèdre du Liban aux Tuileries. En à peine cinq coins de rues, j’ai déjà passé un film au complet ! Un autre pour Le Louvres et le pont neuf, puis un supplémentaire pour l’Église St-Eustache et châtelet les Halles.


- Hèye le photographe, ralentis la cadence ! Ça va te coûter une fortune en pellicule.


Je sais maintenant que les arrondissements forment un colimaçon excentrique. Je vais les visiter un par un, en commençant par le premier, où je suis. Tout est si intense ici ! Le silence n’est nulle part, remplacé par des pin pons incessants (continuels). Quelle exubérance ! Quelle frénésie ! Quelle énergie ! Je comprends pourquoi tous les artistes sont venus vivre ici. Et si on devait vendre son âme au diable, j’affirme qu’il faudrait inclure un ou plusieurs séjours à Paris dans le deal !

Maintenant, par contre, ça va moins bien. Tout ce bruit continuel depuis quelques jours a fini par me donner mal à la tête. Je me sens anxieux et parfois presque angoissé, comme un chat lorsqu’il y trop de visite. Je m’enfonce dans le métro pour aller vers le Sacré Cœur, à mon avis plagié sur l’architecture de l’Oratoire St-Joseph... Comparé au Tohu-bohu qui règne en surface, même le wagon bondé me repose pendant que la ligne 4 me conduit vers le 18 ème, au Nord. C’est moins bruyant que dans la rue. Il y a des parcs... enfin, des carrés de sable ou d’herbe rase (des green de golf) un peu partout, mais nulle part la nature comme je suis habitué à en trouver chez nous. Ça me manque un peu je dois avouer. Cette ville n’est que beige ! J’irai voir le bois de boulogne demain ou après-demain; voir de la verdure me fera du bien. Ici, les arbres ne poussent qu’en rangées, droites rectilignes, géométries angulaires harmonisées avec la symétrie des corniches, des balcons... Mais pas des rues : Sont toutes croches; pas un seul angle droit dans toute la carte de Paris ! Je n’arrête pas de me perdre. Faut faire comme les rats et mémoriser le labyrinthe. Pas le choix : c’est comme ça la vie. Heureusement, j’ai du temps : l’agence ne m’a pas encore contacté. Anyway.

Là, ça va vraiment pas terrible. Je ne sais pas si c’est leur eau, les andouillettes accompagnées d’haricots verts que j’ai expérimentées ce midi ou quoi, mais en sortant du café (bistro) tout à l’heure, je pensais lâcher un pet et j’ai eu une mauvaise surprise toute humide jusqu’aux chevilles... Toutes les toilettes publiques que j’ai croisées, ces espèces de caissons étanches qui t’allouent 10 minutes avant de t’irradier pour la modique somme de 2 Francs (???), eh bien, elles sont toutes hors service; h.s. comme ils disent. Pas de toilettes nulle part ici ! Et inutile espérer trouver une ruelle vide perpendiculaire à Oberkampt, une cour abandonnée sur République, ou la cour arrière déserte d’un bar où la faune va y fumer son joint tranquille : ça n’existe pas ici. Tout l’espace est occupé. J’ai l’air fin ! Heureusement, c’est dimanche soir et il n’y a pas trop de passants. Je devrais être bon en marchant les fesses serrées pour aller savonner mes jeans et mes shorts dans ma chambre de bain à multiple usages sans trop me faire remarquer sur le chemin du retour vers l’hôtel Louxor. Yeurk ! C’est chiant parfois la vie.

Kata ton daimona eaytoy, c’est ce qui est écrit sur la tombe de James Douglas Morrisson au Père Lachaise. Le gardien m’apprend que ça signifie : contre les démons intérieurs. Ils ont retiré sa statue (buste) et posté un garde depuis un an. Les fans exagéraient. D’ailleurs un Américain tente de voler une relique pendant que je m’entretiens avec le surveillant. Le touriste se fait prendre et j’assiste à une autre scène agressive : il se fait expulser manu militari. Il y a beaucoup de violence ici; heureusement, verbale la plupart du temps. N’empêche, j’ai assisté à deux bagarres déjà. L’enrobage de politesse auquel je suis accoutumé m’apparaît plus mince que chez nous, comme leurs silhouettes d’ailleurs. Le temps est toujours magnifique.

Notre-Dame ! L’Ile de la cité et l’île St-Louis ! Il y a des hordes de touristes et des gitanes avec leurs bébés qui mendient. Elles m’adressent la parole en anglais ou me présentent un écriteau en français approximatif. Je ne peux plus en donner : trop nombreux, les mendiants, et je n’ai pas encore perçu mon avance. Il faut que j’économise plus sérieusement et que je songe à amorcer mes préparatifs. Le temps passe. Lentement comme l’eau glauque de la Seine sous cette canicule, mais il coule tout de même. Ce soir il y a un spectacle symphonique gratuit de Richard Strauss au Parc André Citroën; je verrai la tour Eiffel toute illuminée sous les stroboscopes par la même occasion.

Camp c'est dû !

Bon anyway !

J’ai parlé aux gens de l’agence. On m’a un peu expliqué de quoi il en retournait, qu’ici, entre nos missions chez le client, on fait de l’inter contrat, une sorte de chômage avec présence au bureau. On nous fait exécuter des niaiseries, histoire de justifier leur salaire et leur poste, et nous, on fait semblant de croire en la nécessité de leur réalisation et feignons de nous appliquer à notre tâche fictive. C’est ça la France ! Tout le monde est heureux. Chacun à sa place, son poste ou sa position. Tu fais semblant de travailler, d’y croire; en échange, on te paye grassement. Le paradis du syndiqué. Aucun problème avec ça !

Là où ça fonctionne moins bien et qu’un effort sans nom t’est exigé, c’est lorsque tu deviens le client ou le quêteur de services. Les choses se gâtent alors un peu… Je ne pouvais ouvrir de compte en banque afin d’y déposer l’avance que mon agence m’allouait parce que je n’avais pas encore d’adresse fixe à Paris. Je ne parvenais à signer aucun bail car aucune crédibilité bancaire ne m’était reconnue. J’avais beau leur présenter le chèque, j’obtenais invariablement le même " désolé monsieur… " aussi inflexible et dur que poli dans sa formulation... Jusqu’au gain qui n’appâtait plus personne ! Mon compte américain ne me permettant aucunement de débourser pour les deux mois de caution, en plus du premier loyer (hors de prix, soit dit en passant), je repartais bredouille depuis une bonne semaine déjà de tous les arrondissements de la ville lumière. Que ce soit d’un logement ou d’une succursale bancaire, semble que je laissais des gens profondément désolés un peu partout derrière moi.

C’est dans ces circonstances que j’ai rencontré mon co-loc et que j’ai revu la belle une dizaine de jours après mon arrivée. Sur un site Internet consulté depuis l’hôtel, j’étais tombé sur quelqu’un qui se cherchait un co-loc dans le 14 ème ou 15 ème arrondissement. L’apparte était pas si pire. C’était dans le 15 ème finalement, mais tout près de Montparnasse. Wow ! Miller, Modigliani, Sartre, Beauvoir, (Soutine ?)… Ça c’est des voisins ! Un F3 (F2); un quatre et demi finalement. Petit en comparaison à nos appartements de Montréal, mais spacieux dans le contexte densifié de Paris. Je demeurai silencieux tout au long de la visite et ne donnai mon avis qu’à la toute fin.

(Scène 6)

- Ouais, pas pire

- Il sourit en coin.

- Au début, je croyais que vous étiez Belge, mais vous êtes Canadien, n’est-ce pas ?!

- Ouais, Québécois. Tu peux me tutoyer.

- C’est quoi ton nom ? demanda-t-il, avec quelque chose de sourd comme un basson dans la fin de sa phrase.

- Yves. Toi ?

- Guillaume-Antoine De Malmaison.

- Ayoye…(Voilà, j’étais fixé. Bof ! Pas de mal à habiter avec un richard.)

- Quoi ?…

- Non non. Rien. Enchanté. Et nous nous serrâmes la main.

Guillaume-Antoine consentait à m’accepter comme co-loc en autant que je paye mes bills rubis sur l’ongle, ce dont je l’assurai. À première vue, le gars paraissait plutôt cool, relax, et ne pas trop s’en faire avec les formalités, ce que j’apprécie et qui me rassura passablement. Surtout que le contraste était marqué avec d’autres propriétaires ou agents qui me présentaient des listes interminables de description de l’appartement avec les trous dans le mur comptabilisés, d’énumérations de mobilier, de contenu d’armoire, etc. lors de mes visites précédentes. Tout ça évidemment avant que je leur expose la problématique que vous connaissez. Bref, ici, ça augurait mieux.

J’avais bien vu qu’une personne dormait dans son lit, emmitouflée sous la douillette quand il m’avait laissé jeter un œil rapide dans sa chambre, sombre à cause du rotin déroulé, mais en fait, c’est davantage l’autre chambre qui avait retenu mon attention, celle qui deviendrait peut-être la mienne. Elle était correcte, avec un ancien foyer en marbre noir lézardé sur lequel je pourrais corder mes photos du Québec et les contempler les jours de nostalgie ou de mélancolie pluvieuse. Le mobilier était déjà en place; je n’avais qu’à lui acheter. Le prix me semblait abordable. Enfin, mobilier !… Lit, bureau, table de nuit et barre métallique pour suspendre son linge. Quant au loyer, je ne trouverais mieux nulle part dans les arrondissements recommandables de Paris.

Après avoir longuement bavardé, s’être tous deux décidé et avoir procédé à la remise des clefs, on tétait un mélange français très corsé et sans lait dans de minuscules tasses en porcelaine blanche Guillaume-Antoine et moi en discutant des modalités de déménagement quand une sorte de fantôme blanc sortit en titubant de la chambre et s’arrêta sec dans son bâillement devant la cuisine. De tous les appartements de Paris, fallait qu’elle roupille dans celui-ci ! Évidemment, nous nous reconnûmes tous les deux tout en feignant de ne pas trop. Là ça augurait moins bien. Compliqué en tout cas.

Mon nouveau coloc fit les présentations :

- Sarah, ma jolie, je te présente Yves, qui va habiter ici cette année. Yves, c’est Sarah-Lune. Elle est Québécoise comme toi.

- Salut.

- Salut…

- On était dans le même avion je pense ?

- Pis aux bagages perdus…, ajoutai-je, à peine sarcastique.

- Yves travaille en informatique sur Paris pendant un an.

- C’est drôle, t’as pas l’air d’un informaticien… me reprocha-t-elle d’emblée.

Ça m’agaça légèrement puisque je voulais non seulement croire à ma nouvelle vie, mais aussi qu’on y croit. Je ravalai ma susceptibilité et tentai de faire le drôle.

- Chut ! Je suis en mission secrète. L’informatique, c’est juste mon front. Pis toi, qu’est-ce que tu fais ici à Paris

- Du théââââtre, m’apprit-elle avec grandiloquence. (Ça expliquait son petit look excentrique) Je suis au conservatoire en art dramatique, ajouta-t-elle avec quelque chose de français déjà dans l’accent. (Ah non ! Ça je ne suis pas capable : une Française du Plateau Mont Royal !...)

Puis elle m’apprit qu’il y avait plusieurs conservatoires ici, un dans chaque arrondissement en fait et que le sien se situait dans le seizième, de l’autre côté de la Seine.

- Vous avez mangé, les mecs ? poursuivit-elle.

Guillaume-Antoine et moi nous regardâmes une seconde avant de faire signe que non.

- Attendez-moi. Je saute dans la douche et on va manger quelque part. D’accord ?

Guillaume acquiesca.

- Pourquoi pas, consentis-je à mon tour. Je n’avais rien d’autre de prévu.

Grâce à une adresse fixe, je pourrais enfin briser ce cercle vicieux de mon avance qui commençait à m’exaspérer. J’essaierais de régler l’affaire dès le lendemain, après le labyrinthe de la préfecture où je devais retourner remettre des documents que m’avaient transmis l’agence afin d’obtenir mon permis de séjour ou visa de travail. J’aurais des fonds sous peu, pouvais donc me permettre ce soir une sortie plus coûteuse au resto.

Elle était plus belle encore en sortant de sa douche, quoique son petit côté débraillé et ébouriffé d’après sieste ne laissait pas indifférent. Disons qu’elle était plus… organisée. Sa beauté s’était sophistiquée. Diamant brut tout à l’heure, elle s’était taillée elle-même en pierre précieuse de grande beauté et de grande valeur. Ses cheveux partaient toujours dans tous les sens, mais pas comme au réveil : la désinvolture était étudiée, équilibrée, savante. Ce n’était plus le hasard qui peignait. Anyway, c’était pour moi un feu d’artifice que de la voir sortir et nous dire qu’elle était prête et qu’on y allait. On y est allé.

(Next tableau)

4 commentaires:

Coyote inquiet a dit...

Merci Harry. C'est un vieux texte que j'élague un peu.

La fontaine St-Michel fonctionnait à plein régime quand j'y étais. Le vendredi soir, les jeunes s'y atrouppaient et se téléphonaient les uns aux autres puis partaient veiller au McDo pas loin...

Coyote inquiet a dit...

Ah oui ! Je ne sais pas si t'as lu le début.

Il est ici : http://coyoteinquiet.blogspot.com/2006/05/fouischhhhh-et-work-in-progress.html

Coyote inquiet a dit...

Hèye, c'est qui là touè, Cosmo ?!... Arrête de me niaiser de même; je pourrais me remettre à croire que j'ai un certain talent alors que ça m'a pris un bon vingt ans d'efforts soutenus et de confirmations officielles pour arriver à la conclusion contraire.

T'es pas drôle.

Coyote inquiet a dit...

;o)