La route a filé doux sous la roue hier. Il faisait chaud, au-dessus de zéro. Ça faisait un bout ! Un répit après les tempêtes des dernières semaines. Faisait mon affaire. Surtout que mon défrost a lâché et qu'à cause de ça, lundi, en revenant de chez mon filleul dont c'était l'anniversaire, ben j'ai fait un accident. Mon premier en trente ans de conduite ! Zut de merde ! J,ai été chanceux dans ma malchance. Un léger accrochage seulement. De plus, le gars à qui j'ai coupé le chemin en changeant de voie, évidemment après avoir regardé dans ma fenêtre arrière glacée et plutôt opaque, finalement, s'est révélé assez cool, de même que son passager. On a rempli le constat à l'amiable, et sans que je puisse qualifier l'ambiance "d'aimable", elle fut tout de même cordiale et calme. On est quand même du bon monde !...
Je roulais donc en direction de Québec, encore pucké par ma partie de hockey de la veille avec des collègues de maîtrise, puis je me suis souvenu : tiens, les Standardistes jouent au Fou-Bar ce soir ! Et comme la chance d'y croiser de vieux potes de la Beauce, qui ont fondé le groupe, était grande, ben je m'y suis rendu.
Et il y étaient ! J'ai donc revu tous les vieux larrons avec qui j'ai traversé l'adolescence en déménageant d'un local à l'autre, d'une aréna à un gymnase, nos amplis de guitare, drums et claviers, au temps de jadis-autrefois, quand nous étions de célébrissimes "Rock-Stars" acnéïques avec des cheveux très long qui fouettaient l'air lors des solos... Step-Mann, toujours aussi charismatique et guitariste, Jeff, encore plus placide et trompettiste, tous les deux devenus papas, Renaud, mystérieux et sans fond comme l'eau qui dort, Roudoudou encore plus fou iglou-iglou, avec qui j'avais aussi créché deux trois hivers dans une maison de chambres un peu spéciale et qui m'avaient tous deux inspiré... bon, whatever ! Bref, ils y étaient tous, hier, et pour la première fois, j'ai ressenti un peu de cette magie que j'extrayais et dégustais jadis pendant la période des fêtes. Quelque chose, de, oui, la vie est belle et pleine de promesses, non, on ne mourra jamais, les épreuves glisseront sur nos dos de plumes lisses et le plombs des cartouches éventrées ne nous atteindra jamais; nous serons jeunes, éternellement - comme des baby-boomeurs, noyaux cosmiques, césure dans l'infinie ligne du temps. On a rigolé, enfants choyés de l'univers, rois de la Terre, funambules de la mi-vie, en balant entre les rêves et l'expérience, l'ambition et la résignation, la prochaine tournée et le mal de foie, de foi, au rare point de jonction entre l'illusion, un sourire narquois, la lucidité et, surtout, la sérénité.
Personne n'est resté en reste à la battue du rire, alternativement pliés en deux pour traquer le gibier magique sous les sapinages du moment. Personne n'est resté en reste. Y compris Saturne, qui nous a clanché son quart de travail... Step-Mann se levait tôt ce matin, pour rénover la vieille maison que sa blonde et lui ont achetée afin d'ériger un toit, vol tournoyant d'un grand oiseau protégeant la couchette et son trésor contre les intempéries et l'haleine du Fleuve. Jeff aussi. Enfin, ses deux rejetons prévoyaient l'aider par leurs cris. Les autres voulaient continuer, mais pour une fois, c'est moi qui ai porté le chapeau de la raison. On va se revoir ! "Non c'est pas fini... Ce n'est qu'un début !... Mais c'est le..." Et j'ai fini par roupiller en digérant mon Dulton de Noël extra sauce piquante.
Ce matin, le téléphone a sonné. Tôt. Trop tôt. Josée, ma nouvelle coloc. En transit pour quelques mois d'hiver au Québec, entre Cuba et le Nord du Yukon, où elle travaille depuis sept huit ans. C'est cool. Ça met de la vie dans l'apparte, "the French Tornado" qui allume la radio et se prépare déjà un thé alors que je titube de sommeil au sortir du lit, les yeux mi-collés par l'ambre des rêves.
- Salut... Oui, quoi ?... Y'é quelle heure ?...
- S'cuse de t'appeller aussi tôt un dimanche matin... Mais y'a un p'tit problème...
- Mmmm ?... Quoi ?...
- La tank a huile a percé et pis ça pisse l'huile sur la galerie... C'est les voisins qui sont venus me réveiller tantôt... Le proprio a été averti pis s'en vient...
Elle a placé des plats de plastique sous la fuite et fait le relais à tous les cinq minutes vers une grosse chaudière que Porc-épic laissait traîner là, pour "faire du compost" prétendait-il, alors qu'à mon avis, c'était davantage pour le plaisir d'attirer les mouches et me faire chier avec une insalubrité supplémentaire...
Le proprio est arrivé. Tout aussi désemparé, il a appelé les pompiers... Ça va être beau dans mon apparte à mon retour ! Je serais surpris que tout ce beau monde ait retiré leurs bottes en entrant...
Anyway, c'en est là, un dimanche matin, de congé, aux frontières de Noël, un proprio dépité qui regarde la grisaille Montréalaise par la fenêtre de son investissement, des pompiers qui s'affairent à reboucher le trou d'un réservoir qui joue les Mannekinpisse, une tank à changer, 400 litres d'huile dont il faut disposer rapidement pour protéger l'environnement et qu'il me faudra peut-être racheter, plus de chauffage dans mon shack, une coloc qui, moins de deux jours après son arrivée, voit son logis refroidir de 20 degrés avant même le déjeûner, moi qui suis sorti par la porte de l'Est et lui ai refilé la patate chaude sans le faire exprès, une facture destinée à des mains dont j'ignore encore le propriétaire, un tourbillon d'étoiles de plastique dans les vitrines aux cantiques nasillards et des globes colorés scintillant dans l'oeil gourmand des enfants...
Poupée d'Égypte au teint de bronze, allure hirsute et chamarrée des Tatras : la vie est un délire contrôlé, aussi quadrillé qu'Arlequin.
Hier, en traversant le pont au retour et en contemplant l'horizon de brume tacheté de lumières, une larme a jailli en repensant à mon vieux pote qui n'y est plus pour voir, vivre tout ça... C'est fou, délirant, débridé, contestable, barriolé, toujours en porte-à-faux avec nos plans... La lune ou Saturne foutent sans relâche un bordel monstre...
Mais c'est là.
Et c'est la raison pour laquelle les vieux potes font des enfants.
Que se poursuive le grand spectacle.
dimanche, décembre 23, 2007
Pleine lune martienne en cancer ou dans le genre...
Publié par
Coyote inquiet
à
11:22 a.m.
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5 commentaires:
C'est plutôt émouvant.Entre ces retrouvailles presque surréalistes et le retour au quotidien avec ce tank à huile qui déverse ces entrailles comme une crise de foie avant l'heure. 400 litres!! Eh bé.
Bon, mais je retiens surtout la soirée avec les Standardistes...
Question: La Beauce c'est une province?
Harry Steed
Héhé, non Harry, c'est une région au Sud de Québec et au Nord du Maine. Réputée pour son sirop d'érable, sa compulsion entrepreneuriale, le mauvais caractère des écrivains qui en jaillissent ainsi que pour son vote adéquiste. C'est juste à l'Est de d'Éden, tout près.
;o)
Ok coyote. Je posais la question car je suis né dans la Beauce et ai longtemps vécu juste à côté. C'est ici une région réputé pour sa platitude et ses champs de blé...
Harry Steed
Ouais, j'ai visité ta Beauce française, Chartres et tout.
Remarque, c'était un bon bol d'air frais au sortir de Paris et Chartres est magnifique - la Cathédrale surtout.
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