Fiou ! Une nuit de sommeil. Fait du bien !
Inutile de vous préciser qu'un séjour chez Carcajou, c'est jamais de tout repos...
- Viens-t'en ! M'a acheter de la bouffe, on va faire du plein air, ça va être santé. Tu vas voir, tu vas te reposer...
Ça m,a pris six heures tapant pour me rendre jusqu'à son chalet sur la berge du Grand Lac St-François à partir de la Petite-Nation en passant par son "raccourci"... Traversée Ouest-Est de Montréal par la 20 à 4h30 - pas bon. Pas une bonne idée. J'étais surpris un peu : à Montréal, pas un brin de neige au sol. Aussitôt franchi Champlain et traversé le Fleuve, premières giboulées. Rendu au Mont Orford, ben... on la voyait pas, la montagne à Charest et à ses p'tits copain inc, et pas à cause de la brunante. Et le fun ne faisait que commencer ! Ascott Corner jusqu'à Weedon, je m'enlignais sur le halot lumineux des vans que je croisais, histoire de rester dans le chemin et de ne pas me laisser convaincre par le vent de prendre le fossé, et à la dernière seconde, je crampais à droite, histoire de... ben, continuer. Dans la même direction je veux dire. L'Enfer. Blanc. J'ai fini par arriver. J'ai presque écrasé un coyote. Je me suis arrêté sur le côté. Lui aussi. On s'est toisé.
- Va chier.
- Toi itou.
Il a poursuivi vers les chalets de la berge Ouest pour rapiner des restants de tables en renversant les poubelles des riverains, et moi vers la planque à Carcajou, sur la berge Est après avoir contourné par le Nord. Fini par arriver. Je voyais plus clair presque et j'avais la tête poreuse à force d'écraser des mégots de cigarettes. Parce qu'on dirait bien que j'ai recommencé à fumer, à force de pomper des occasionnelles...
- Une bière ?
- Ouais... Une... Mais je t'avertis, je suis pas venu icitt pour brosser, là... T'as dit qu'on allait prendre ça cool...
Vous auriez dû entendre ce rire... Démentiel. À faire peur. Un bref coup d'oeil sur le décor et tour des lieux et j'ai rapidement compris la nature de ses intentions. Dans le frigidaire, une demi pizza, un pain et un litre de lait. Deux tomates et trois pommes sur la table. Près de la porte, deux caisses de 24, dont une qu'il avait talentueusement entamée. Ostie de Carcajou...
C'est ainsi qu'a commencé la cure santé, à le regarder virer brosse sur brosse et à embarquer, me faire encore une fois pogner par ses plans de nèg à la con.
- Viens, on va aller prendre une bière à Victo, c'est pas loin ! On prend mon char pis je paye toute, le gaz pis la bière.
On est allé à Victo, dans mon char, avec mon gaz et j'ai payé ma bière, autant que j'ai conduit au retour, à trois heures du mat, avec une épave pestilentielle dormant sur mon épaule, épave qui me rebondissait dessus à chaque fois que le poussais de toutes mes forces, avec une rage tout juste contenue, vers la portière conducteur, en tentant de retrouver mon chemin parmi les "raccourcis" qu'on avait pris en chapelets tout au long de notre traversée nocturne des Bois-Francs, à éviter les chevreuils éblouis ou les vans qui roulent à 130 km/h dans les courbes et les flancs des Appalaches et qui à mon tour m'éblouissaient entre deux bourrasques de ce vent qui saupoudraient les chemins. Et Victo... Wow ! Je vous conte pas ! Méga veillée chez les ploucs... C'est quelque chose, quand même, la vie mondaine en campagne québécoise dans un bar à cruise.. Ouf !
Au retour, après deux autres heures de route épuisante, je vous jure, j'étais tellement en tabar... que je l'ai laissé roupiller à moins quinze Celsius dans le char et que je suis aller me cuisiner un spag en lui piquant le seul pot de sauce qui s'ennuyait dans le congèle...
- Tu dormais bien, au chaud ? Ben on va tester au frètte astheur... Gèle-là, crisse de sans dessein ! Si je peux débarasser l'humanité d'un pareil mutant, j'aurai pas vécu en vain...
C'est ça, l'amitié.
Il est pas mort gelé. Le lendemain... Quelques heures plus tard, je me levais tout étourdi et j'ai bien vu qu'il avait survécu. Il dormait assis sur le divan, les pattes et les bras croisées, la tuque enfoncée de travers comme un robineux. Les Carcajous ne meurent pas. C'est dommage. Tu les crisses dans un train, dans un container ouvert, jusqu'au Yukon, le train va se perdre dans le Nord de l'Ontario et s'y arrêter, ben ça revient à pied, sans manger pendant deux jours, ça repogne un autre train et ça continue jusqu'en Alaska comme s'il ne s'était rien passé. Ça fait le tour de l'Europe à une capitale par jour, Scandinavie incluse, pendant deux mois avec 7 $ en poche pour survivre au quotidien. Ça marche de LeMans jusqu'à Paris pcqu'il n'a plus une cenne pour retourner prendre son avion, et ça revient en Amérique, au lieu de rester là-bas à gruger les assises, déchiqueter les fondements de la société européenne. Probablement que c'est pour ça, à force de mordre tout ce qui bouge et de engloutir chaque heure et n'importe quoi, que ça finit par puer autant de la gueule et par être aussi mal embouché... Je vous jure, ça passe mal au Festival des Films du Monde, un Carcajou ! Ça détonne un peu sur Mont-Royal. Et je ne suis plus sûr que je le présenterais à ma blonde, en ravoir une !
Anyway. Je ne suis quand même pas descendu pour rien. Je traînais mes patins dans la valise. Et juste en face, y'avait une patinoire de 26 miles de long par 3 miles de larges avec un vent du Nord capable d'user jusqu'à la gencive des incisives de lièvre ! Le patin que je me suis tapé, vous avez pas idée !... Gaëtan Boucher peut bien renfiler son petit collant de Flash Gordon ! Des kilomètres. Et encore des kilomètres. Après l'avoir traversé en largeur et m'être étendu dans la neige à l'abri du vent au travers des sapins sur l'autre rive, j'ai cru voir une voile en direction de Lambton, pour ne pas dire à mi-chemin de Lambton. Je ne la percevais que par instants fugaces. Mais avec cette tempête aux imprécations glaciales qui hurlait mon dos, et rien qui ne m'attende au chalet qu'un Carcajou sans doute déjà en train de replonger dans une nouvelle aventure biochimique sur sa personne et ce qui lui reste de pensée cohérente, je me suis dit bof ! pourquoi pas aller leur dire bonjour ?
J'ai donc amorcé ce périple d'au moins sept km, peut-être moins, cinq six. Y'avait deux gars, dont un qui surveillait les brinballes à pêche en suit de ski-doo et comptabilisait les perchaudes. L'autre s'était patenté un genre de skate-board à skis de fer avec sa voile tempête 4,5 m2... vous auriez dû le voir clancher ! Il décollait et en moins de deux secondes, il atteignait déjà son 30 km/h. Le gars devait aussitôt relâcher la voile... L'accélération menaçait trop. Trop dangereux. Pogner une débarque à cette vitesse sur la glace, vous imaginez ? Et imaginez celle qu'il aurait atteinte en 10 ou 15 secondes... Une bombe à vent !
Après une demi-heure de jasette (étrange comme on se parle davantage quand on se croise au milieu d'un lac plutôt que d'un boulevard...), j'avais un peu froid aux orteils; il était temps que je me réeligne vers le terrier du monstre, à l'extrémité Nord du lac. Vent dans la face cette fois...
Ouf ! et brrr ! Ça m'a pris deux heures et demie. Je me sentais ni les pieds ni la face vers la fin. Heureusement que j'ai un de ces casques de poils de l'ancienne marine soviétique et que, les oreilles baissées, il vous sauve du baiser mortel de janvier tout autant que la pauvreté, des faux-amis. Donc j'ai fini par revenir au point de départ en retraversant tout le lac, de biais cette fois, tentant de dérailler le moins possible de l'hypothénuse du tracé que j'avais emprunté à l'aller. Encore une fois sauvé par mon casque d'astronaute. Sauf que brrr !... Que j'ai gelé. Mais que c'était beau ! La furie des éléments. La solitude d'un désert glacé. Le soleil qui se définissait par moments, comme une lune de films de vampires entre deux escarpements de nuages. J'avais l'image des steppes de Sibérie.
- Enwoèye, vas-y mon Denissovitch, patine, arrête-toi pas !
La mort engourdie aurait pu ne pas se trouver trop loin... Tout le décor à la surface du lac, en dessous des 4 pieds s'estompait dans une nappe blanche, brume de cristaux comme une poussière qu'aurait soulevée le balai d'un employé zélé. Des tourbillons se dressaient à l'improviste, petites tornades qui parfois décomposaient la lumière comme un prisme et son arc-en-ciel. J'ai jamais compris pouquoi Racoon et les autres amis intellos sortent jamais et aiment si peu jouer dehors... Chacun son truc, j'imagine. C'est vrai que cigarettes, vin rouge et jeux vidéos, ç'a aussi son charme.
Le soleil était déjà bas à mon retour et je n'avais pas une faim de coyote, mais bien de loup ! Carcajou était réveillé. Et saoul déjà. Yéééé... Qu'est-ce qu'on s'amuse avec toi !... Ses cd hurlaient à tue-tête dans le vide de son chalet-cathédrale et il chantait dessus.
- Gna gna gna gan.... que les hommes vivent... gna gna gna gna ... au loin les suivent...
Ta yeule...
Au moins, c'était pas du country; ses goûts se sont nettement améliorés depuis qu'on lui a donné tous ses nouveaux cd...
J'ai bouffé la demi-pidzz, qui séchait toujours dans le frigidaire, puisque sa diète santé, finalement, elle était plutôt liquide.
C'est alors qu'une autre idée de génie lui a traversé le crâne.
- On va aller veiller à St-Georges mais avant on va aller voir Le Mexicain, Vicky et leur nouveau bébé...
Bébé qui est rendu à deux ans, soit dit en passant. Quand t'es en visite chez quelqu'un, t'as comme pas vraiment le choix de suivre l'horaire d'activités qu'il te propose, hein ? J'aurais préféré crasher devant une bon film ou programme à la tivi et dormir toutes mes heures de patin comme une bûche, mais il a rapidement décroché le téléphone et s'est invité chez eux. On est presque aussitôt parti pour la Beauce; mais via la Haute-Beauce, un autre de ses "raccourcis", et non, il n'était pas qestion que je reste seul dans son chalet, à cause du feu et surtout pour pas que je vide son frigidaire... Crisse de fou. Jamais vu un gars aussi perdu dans sa perception particulière de la réalité !
On a parcouru l'échine des Appalaches comme le frisson né de tes doigts sur le dos d'une femme. Le soleil se couchait et le vent soufflait toujours des embruns traversant la route et s'envolant des récifs blancs qui la bordent. Près du mont Adstock, j'ai vu cinq chevreuils dans une érablière, relevant paresseusement la tête à mon passage pétaradant. Embarqué un jeune pouceux de Longueil qui visitait la Beauce pour sa première fois, lui aussi éméché par l'hospitalité d'un de ses lointains cousins. On a parlé loyers, et comparé les prix des appartes du coin avec ceux de Montréal - incomparables, en fait.
On est allé voir le Mexicain, Vicky, et Rébécca, le nouveau bébé... Wow, belle petite famille... La maison dans la prairie. En fait, la maison au fin fond d'un maudit grand rang à St-Philibert de Beauce. Une tanière, quoi ! Tout ce chemin... Univers parallèles... Le Mexicain (en fait il est moitié Beauceron) était heureux de nous revoir et recevoir et on a dû demeurer plusieurs heures avec eux. Vicky nous a préparé une pidzz... Tiens-donc !... Et on a rigolé avec Rébécca, magnifique petite blondinette aux yeux légèrement bridés. Timide au départ, elle ne nous lâchait plus deux heures plus tard et ce fut la crise à l'heure du dodo pcq elle ne voulait plus nous quitter, pas plus que cette ambiance de fête, presque de Noël. Le Mexicain a l'air heureux. Très. Cool pour lui qu'il ait rencontré une aussi bonne fille - il le méritait. On s'est rappelé plein de souvenirs, quand on restait chez Porc-épic, tous cassés comme des clous rouillé, lui à tenter de vivoter de sa sculpture, moi, en train de bûcher sur mon deuxième roman entre deux chèeques de béesse, Porc-épic, en train de travailler et plonger dans son lit sans souper, René l'Indien du Manitoba, èa nous bumer quelques sous et de la bouffe (puisqu'il n'avait pas même droit au béesse si loin de sa réserve) et à tenter de se trouver une job de cuisinier, quand aucun employeur potentiel ne pouvait croire qu'un Cri fut aussi un chef cuisinier sori d'une école d'hôtellerie prestigieuse. À nous rappeller nos concours de tirs à la .22 dans l'apparte et surtout à s'obstiner qui de lui au moi gagnait le plus souvent. Et c'était moi.
Ça jasait bien avec Vicky et le Mexicain car le carcajou ronflait maintenant sur le divan, à poings fermés comme la petite. Ç'a jasé moins bien vers la fin des nouvelles quand il s'est réveillé et qu'il s'est aperçu qu'on allait être en retard dans les bars...
- Ok, bon ben c'est ça, en tous cas, merci de votre accueil, ben, on va y aller, on se reverra, bye...
Effectivement, il commençait à se faire tard. Surtout pour un petit couple qui travaille à temps plein et dont le bébé réveille souvent le soleil tel un coq.
On n'a pas été en retard aux bars, finalement. En tous cas personne ne semble l'avoir remarqué... N,empêche, Carcajou souhaitait incontestablement rattraper le temps perdu, ce en s'enfilant grosse sur grosse à une vitesse folle. Je vous passe les détails d'une AUTRE soirée dans les bars, des plus banales et insignifiantes, sauf qu'elle se déroule dans ma ville natale et que je n'y reconnais plus un seul visage, que je passe près me pogner avec le waiter, en tous cas qu'on s'écoeure avec des regards assez noirs merci ! Que Carcajou disparaît en trombe vers la fin, parti pour un sprint de cruise à la recherche des slows d'un bar à l'autre comme une caravane d'un point d'eau à un autre, curieusement au moment même ou je lui demande de me prêter un cinq, puisque l'interac est défectueux et qu'on n'accepte pas la carte de crédit dans cet établissement, surtout celle d'un étranger originaire de l'endroit... Elles s'améliorent, nos mentalités... Bref, je me retrouve à la fermeture, plus de Carcajou, plus une cenne, les guichets Desjardins brisés, à au moins cinq heures de route de mon lit, et il fait moins dix-sept. Que fait-on ? Ben on fait comme Desjardins, on couche dans son char. Ce que je faisais en embuant les vitres d'Anna-Mazdalena, le casque de poil bien calé sur la tête et le sleeping serré comme un cocon de ver à soie, quand on cogne à la porte à six heures du matin. Ma porte de char, va sans dire. C'est le voisin, qui, curieux de voir un véhicule dans la cour de la maison paternelle alors qu'il est lui parti se faire dorer la couenne dans la Florida avec d'autres snow-birds, vient écornifler, coupant momentanément "une rertraite paisible et méfiante devant sa bay window"... Coup de bol par contre, il a les clefs de la maison et craint que je gèle vivant dans mon auto... Ben voyons ! Je faisais les plus beaux rêves du monde tout recroquevillé sur le banc arrière.
Faut quand même avouer qu'on dort mieux à l'horizontale, étendu de tout son long. Ce que j'ai enfin pu faire délesté de Carcajou et de ses "activités" de gentil organisateur de Club Med extrême...
J'en ai profité pour aller me stationner les fesses quelques heures dans un bon cinéma bien chauffé hier soir, seule "activité" qui me tentait encore... Je suis allé voir V pour Vendetta et, ma foi, j'ai été plus qu'agréablement surpris. Bon. Je m'attendais à une sorte de Batman ou de X-men avec qui je n'avais pas eu la bonne fortune ou culture de connaître durant mon adolescence, mais pas du tout ! Un film des frères Wachowski (en tous cas au niveau du scénario - la Matrice...). Un thriller politique, révolutionnaire plutôt. Une touche de 1984, avec John Hurt justement dans le rôle du Hitler Londonnien. Un super jeu de la petite princesse Amidala de Star Wars (comment elle s'appelle donc déjà ?) et de cet acteur irlandais qui jouait dans Crying Game. Un fantôme de l'opéra vindicatif qui joue du couteau comme Dantes de l'épée dans le comte de Monte-Christo, dont la quête vengeresse est apparentée, justement... Un héros à l'âme brisée - et pour cause ! - et sans pouvoir magique d'aucune sorte... Une histoire de révolution au nom de la liberté individuelle dans un monde totalitaire et répressif qui impose un silencieux conformisme... Allez voir ! je vous le conseille. En autant qu'on puisse tolérer les films de super-héros bien entendu. J'ai lu une critque qui le cote 3/5 ce matin sur le site de R-Canne... Je pense que je lui aurais plutôt attribué une note de 4/5, de mon côté.
Bon eh bien, maintenant que je suis reposé, je me demande bien qu'est-ce que je pourrais faire ? Me semble que j'aurais besoin d'une petite "activité"...
- Racoon, qu'est-ce qui se passe de bon à Baie St-Pôvre ? Vous feelez pour avoir de la visite ? Ce serait tranquille. Carcajou pourrait venir nous rejoindre...
dimanche, mars 19, 2006
V pour Vendetta
Publié par
Coyote inquiet
à
9:07 a.m.
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4 commentaires:
Ça c'est du Coyote comme je l'aime!
Voilà, c'est tout.
Nathalie Portman. C'est le nom que tu cherches
Oui, du grand, du beau Coyote. Et toutes ces images... Toujours belles, surprenantes, poétiques.
Merci mesdames...
Nathalie Porman !!!! J'oublie tout le temps son nom, je ne sais pourquoi.
Pas sûr que Carcajou apprécierait autant ce texte... S'il lui arrivait de lire !
Bon lundi ! ;o)
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