mardi, avril 12, 2005

Ainsi va la vie...

Il m'est venu une rage d'eau d'érable tout à l'heure. Je suis parti avec ma tasse chez mon frère pour puiser dans le baril... Bouah ! Vraiment pas terrible. Commence à goûter le sûr et la sève. C'est donc qu'on approche de la fin des sucres. Déjà. D'ailleurs frérot a désentaillé. C'est pas tant de les courir : avec la neige fondue, ça se fait bien en tracteur; mais de bouillir, bouillir, bouillir encore ! Les doigts, les mains, les outils tout collants. À la journée longue. Un gars se tanne après trois semaines, je peux comprendre. De toutes façons, ils ont leur sirop - on peut quand même pas manger des crêpes à l'année longue ! Les petites filles pourraient se méprendre et croire que la vie est une partie de sucre. C'est rarement le cas. Mais j'aurais bien aimé faire partie des exceptions et pouvoir vous conter ça avec emphase et moulte détails dans des briques américaines traduites en 47 langues, genre : L'histoire mirifique de ma pensée positive et des millions que ça m'a apporté; Le bonheur ici-maintenant, avant et plus tard...; The reason why God wisely thought I deserved it all !... du Révérantissime Coyote Ashram Serenissimo. Mais hé !...

En attendant, aujourd'hui j'ai quand même eu la chance d'aller visiter une mine; une ancienne mine dans le coin. Wow ! Une cathédrale ! Un ancien mineur de 76 ans nous accompagnait pour nous relater ses souvenirs. À part mon grand-père, j'ai jamais vu un vieux aussi jeune. Bon pied bon oeil, toujours prêt à rigoler, conteur... Pourtant il l'a pas eu facile ! Mineur 10 heures par jour six jours par semaine à 45 cennes de l'heure en '45. Des boss anglais qui les méprisaient souverainement, aucune sécurité, d'emploi et de conditions de travail... Le classique, quoi ! pas Germinal de Zola, mais pas tellement loin non plus. Et il n'y a pas si longtemps que ça. Pas pour rien que le bonhomme était pas mal de la gauche, pour un vieux... Pas surprenant que je m'entendais si bien avec lui ! Il parlait de Lévesque avec admiration, comme l'homme qui avait changé leurs vies, leur avait redonné de la dignité. Mais pas gâteux ni englué dans son passé, car il ne se gênait pas pour commenter le présent politique, qu'il perçoit comme une sacrée régression. D'ailleurs il était plein de compassion pour la jeunesse et avait certes les Charest qui nous charrient loin dans le ...

Mais ça ne l'empêche pas d'être heureux et jovial. Il s'est construit une maison au complet sur le haut d'une crête y'a dix ans. Tout seul. Si vous aviez vu le campe ! Un nid d'aigle. Tu tombes de la galerie : tu tombes de deux cent pieds ! Toute en rondins de peupiers faux-trembles qu'il a écrocés et coupés lui-même au printemps, traînés avec son tracteur. Une maison de rêve. Un phare vers l'Ouest et le Sud. J'aimerais bien viellir comme ça, moi.

À la mine, il restait encore une glace douteuse à la surface du plan d'eau. Je suis allé me promener dessus. Mon boss capotait. Il voulait pas perdre son nouveau helper dans cent vingt pieds d'eau. Le vieux trouvait ça drôle, lui. On se comprenait. (De toute façons, ç'aurait juste été la troisième fois que je serais passé au travers de la glace. Commence à connaître la game.)

Je vous jure : ce vieux-là était jeune; plus jeune que ben des jeunes que j'ai connus.

Non, la seule chose qui m'a chicottée, c'est quand il contait ses histoires de mépris des boss anglais pour leurs employés charroyeurs de roches, du cheap labor, du bétail à toutes fins pratiques. Y'a pas si longtemps quand même ! Ça fait mal un peu des fois, la conscience historique. Mais c'est bon de l'avoir en mémoire. Je me souviens. D'ailleurs, c'était loin d'être tous les anglais, pcq des anglais, il en avait quelques uns comme confrères de travail au même 45 cents de l'heure et avec qui il s'entendait à merveille. Non, c'était CERTAINS anglais, possédants et remplis d'arrogance.

Heureusement, les choses ont changé, évolué. Se sont modifiées... Pas tant que ça, finalement, quand on y pense. Bon, c'est sûr que ça n'a plus rien à voir avec les anglais d'un bord et les francos de l'autre comme assymétrie. Mais l'assymétrie, elle, demeure à mon avis. S'accroît même. À nouveau. Dans un contexte hyper-complexifié. Et tout ça, c'est pas jojo...

Bon, on va quand même pas refaire le monde, faire la révolution sur un blogue, hein ? Sans blague !

Donc en gros, et pour faire une histoire courte, euh... j'ai oublié ce que je voulais vous dire... Pas fort. Ah oui ! L'histoire, le temps, nos jours, nos vie, nos émotions... c'est une roue, une grosse pizza toujours en mouvement mais toujours pareille. Il n'y a de stabilité qu'au centre.

Bon ben anyway, c'est ça, parlant de pizz, il faut que j'aille manger la deuxième moitié de ma pizz d'hier !

4 commentaires:

Anonyme a dit...

Je fais mon gros possible pour rester au centre, même s'il est un peu plat. Mais suffit de s'aventurer le pied que ziiip! tout le reste part à vau-l'eau!

PB

Anonyme a dit...

C'est bon de te lire à nouveau, l'Éclaireur..Merci pour ce beau texte. On retrouve ici ta bonne vieille verve, celle qui a le don de me remettre à ON. Bonne journée, je m'en vais repiquer...tes pensées...à l'ombre.. (ça sent les élections)...

Coyote inquiet a dit...

PB, c'est parce que tu bouges encore trop !...

Faut rester tout zen sous les draps comme Alexandre le bienheureux. ;o))

Merci Louve.

Mamathilde a dit...

Je crois que si on se donne la peine de faire la connaissance de personnes âgées, on s'apercevera que beaucoup d'entre elles sont encore très jeunes dans leur coeur. Même si le corps est stationné dans un foyer parce que lui, il a lâché.